RABOUSSA : un rappeur engagé pour la promotion culturelle de son pays !

Trouver sa place dans le monde artistique, se faire un nom et être reconnu sont des challenges que tous les artistes doivent accomplir. À Madagascar, comme à l’étranger, les artistes se heurtent à tant de difficultés que certains perdent l’espoir et n’atteignent même pas le cinquième printemps de leur carrière artistique. Quel est alors le secret de longévité d’une carrière musicale ? Pour répondre à cette question et à bien d’autres, le Stileex post est parti à la rencontre du rappeur Raboussa.

Je suis sûr que vous êtes nombreux à vous demander, pourquoi lui et pas un autre. La pertinence de cette question est réelle et je la conçois parfaitement, d’autant que Madagascar regorge d’une pluralité d’artistes talentueux. Et de surcroît, ils sont nombreux à évoluer dans le monde musical malgache depuis plus longtemps que Raboussa.

Pour répondre à votre question chers lecteurs, le Stileex post s’est tourné vers ce rappeur en particulier tout simplement parce qu’il évolue dans une catégorie musicale, qui depuis des années est perçue comme péjorative, voire nocive pour la société. Et pourtant, Raboussa a réussi à dépasser les préjugés, à changer la perception du Rap malgache grâce à des textes engagés, au rythme entraînant. De plus, il a été récemment nommé Directeur de l’Office National des Arts et de la Culture.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à revenir sur le parcours d’un homme issu du « lalana », du quartier « mafanafana » d’Anosibe, comme il le dit, devenu aujourd’hui une icône, un modèle pour toutes les générations confondues.

Parles-nous de toi. Qui est Raboussa, celui que tu étais et es aujourd’hui ?

Je suis Niry Marie Michel Rakotondrabe. Connu sous le nom de scène Raboussa. J’ai commencé à évoluer dans le monde musical à partir de l’année 1996. J’ai débuté, à cette époque, par des enregistrements studio, mais ma carrière n’a vraiment décollé qu’en 2003, lorsque j’ai écrit et sorti avec mon groupe le titre « mpandresy ambonin’ny mpandresy ».

Le vrai nom du rappeur Raboussa est Niry Marie Michel Rakotondrabe

L’idée du nom du groupe vient de mon surnom « boussa » que ma famille m’a donné depuis ma naissance sans doute parce que j’étais « botrabotra ou botsabotsa » xD. Toujours est-il que R.A.B.O.U.S.S.A sonnait bien (et il épelle ce nom comme dans ses chansons, s’il vous plait :-P).

Faire de la musique a toujours été dans tes ambitions ou un autre avenir a traversé ton esprit ?

Pour vous dire la vérité, mes parents ont voulu et espéré quelque chose d’autre pour moi. Ils avaient pensé que je serais médecin. De mon côté, j’ai rêvé de devenir un footballeur professionnel. Mais « Zanahary » (Dieu) en a décidé autrement. Dans ma famille, entre cousins et cousines, nous aimions chanter lors de nos sorties. Et j’étais souvent désigné pour ambiancer nos rencontres. « Tairo ry boussa mihirà an ! ».

Je me suis alors mis à écrire mes chansons et mon quartier natal m’a inspiré. Vous savez, j’ai grandi à Anosibe, un quartier « mafanafana » à Antananarivo, pas Nosy-be où il y a de jolies plages. Dans ce quartier se trouve un des grands « tsena » d’Antananarivo, ce qui fait que de nombreuses personnes y passent et vivent des situations diverses au quotidien.

Le temps a passé depuis le premier passage de Raboussa en studio

J’ai alors écrit et enregistré mes chansons en évoluant dans le rap, la musique du « lalana ». Bien sûr, j’aurais aimé être médecin et réaliser le rêve de mes parents. Mais c’est Dieu qui dicte nos vies et je pense être à ma place puisque je contribue à changer la mentalité de notre société. Je promeus les valeurs et cultures de Madagascar.

Parle-nous de ton parcours musical

Comme je l’ai dit plutôt, cela fait presque 20 ans que j’ai débuté dans le milieu. Au début, j’ai commencé à faire des chansons qui ne me plaisaient pas forcément, mais la persévérance a été la clé de mon succès.

J’ai combiné mes études à l’École Supérieure des Sciences Agronomiques avec mes débuts artistiques. Cela n’a pas été facile vu que l’ESSA n’était pas une faculté et donc il fallait répondre présent à chaque cours. Mes professeurs se souvenaient de moi parce que j’étais chanteur, mes parents comptaient sur moi… En conclusion, je n’avais pas droit à l’erreur.

Mais j’ai tenu bon et réussi à obtenir mon diplôme d’ingénieur agronome. En parallèle, j’ai continué la musique. J’ai commencé à avoir des contrats et à sortir mes albums. Après mes études, j’ai travaillé comme ingénieur, mais il m’a paru évident que la carrière de chanteur m’était destinée.

J’ai alors travaillé à faire évoluer mon art, chansons et albums se sont succédés. Avec mon groupe, nous avons sorti :

  • Rap mandrakizay : 2003
  • ‘Zay anaovana azy : 2006
  • Henoy zà : 2008
  • Revinay : 2011
  • Mandrakizay : 2015
Les années ont fait succéder les albums du groupe Raboussa

Je peux être fier de ce que mon groupe a accompli. Une de mes plus grandes fiertés, et je l’avoue avec humilité, est d’avoir été le premier rappeur à monter sur la scène du Palais des sports et de la culture.

Laquelle de tes chansons est ta préférée ? Et celle que tu aimes le moins ?

Je dois vous dire que je les aime toutes. Vous savez, je tire mes chansons de faits réels, comme « anontanio ». Et il y a des chansons qui correspondent à mon humeur. Il y a des moments où mes propres textes me donnent du « boost » pour avancer, je peux prendre « Tsiky sy tomany » à titre d’exemple.

Tsiky sy tomany, une des chansons phares de Raboussa

De plus, j’essaie de mettre dans mes textes des mots encourageants qui pourront, je l’espère, apporter de l’inspiration dans la vie de mes compatriotes. Faire transcender les esprits de chacun et évoluer les mœurs tout en gardant à l’esprit l’importance du « soatoavina » malgache.

Qui cibles-tu dans tes chansons ?

Je ne cible personne en particulier. J’essaie comme je l’ai dit de contribuer et à apporter ma pierre au grand édifice que représente la musique malgache. De plus, mes chansons envoient des messages différents et ciblent toute une large gamme de personnes.

Comme « ‘zay anaovana azy », j’ai voulu dire à travers ce titre que certaines choses ne doivent pas se faire dans la vie. Il m’a été inspiré de la vie d’un ami, pas moi, même si je m’accuse dans la chanson (xD). Et j’ai voulu transmettre à mon ami ce qui s’est passé, que sa copine le trompait et que je l’avais vu à l’université d’Antananarivo.

Bien sûr, il arrive parfois que mes textes choquent ou que certaines personnes les trouvent un peu trop durs, mais jusqu’ici, les gens captent mes messages.

Désormais à la tête de l’Office National des Arts et de la Culture, que penses-tu apporter à la tradition et à la culture malgache ?

Je souhaite vraiment faire comprendre aux habitants de Madagascar l’importance de notre culture et les valeurs qu’elle renferme.

J’aimerais aussi prouver que la tradition va de pair avec le moderne. Et que cela reste appréciable. Souvenez-vous de l’« afindrafindrao » modernisée par un groupe de rappeurs de Fianarantsoa. Je pense que beaucoup de personnes ont apprécié ce remake et que malgré le style moderne, les valeurs véhiculées dans cette musique traditionnelle restent appréciées.

Et justement, trouves-tu que la musique traditionnelle peut se marier avec la musique urbaine ?

Je pense vraiment que c’est possible. Le groupe Raboussa a d’ailleurs déjà fait cela avec Volahasiniaina. Pour cette occasion, on a voulu montrer que, d’un, le rap pouvait être joué avec des instruments et de deux, la musique traditionnelle sied à toutes les époques.

Ce concert de Volahasiniaina et Raboussa s’est déroulé à l’IFM. Pour cette occasion, ce groupe de musiciens traditionnels a accompagné nos chansons. Ce fut un moment mémorable pour chacun de nous.

En tant que musicien issu de la culture urbaine, favoriserais-tu cette catégorie ou plutôt promouvoir les catégories plus traditionnelles qui tendent à perdre de leurs valeurs ?

Je pense que chaque catégorie artistique a sa place dans le Madagascar d’aujourd’hui. Que ce soit la peinture malgache, le chant, la danse, la photographie… je voudrais montrer aux gens ce que les Malgaches peuvent faire. Notre culture et nos artistes méritent d’être valorisés.

Nous sommes tous égaux

Et pour répondre à votre question, non, je ne compte pas faire du favoritisme. Nous sommes tous égaux et le titre « otran’lah » que j’ai écrit est la preuve de ce que j’avance.

Quels sont tes atouts par rapport aux tâches qui t’attendent ?

Mes études, ce dont je remercie mes parents, ont largement contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui. Et grâce à eux le proverbe malgache : « ny fianarana no lova tsara indrindra » a pris tout son sens.

Un rappeur qui doit tellement à ses parents

De plus, j’ai compris au cours de mon parcours musical les besoins des artistes et je pense que je peux faire en sorte de répondre à nos attentes respectives étant moi-même dans le milieu. Je suis aussi d’avis que le groupe Raboussa a plus au moins atteint ses objectifs. Et si j’ai pu le faire pour nous, je pourrais le faire pour la promotion culturelle malgache.

Raboussa, cette nomination restreint-elle ta carrière musicale ? Comptes-tu un jour, arrêter la musique ?

Je ne pense pas que mon rôle au sein de l’OFNAC restreigne ma carrière musicale. Ce sont deux univers différents, mais à la fois identiques. Je pense qu’en tant qu’artiste, j’y ai ma place.

Comme les fumeurs qui répondent « oui » à l’arrêt du tabagisme, je réponds « oui » à votre deuxième question. Mais comme eux je ne sais pas quand ce moment arrivera.

Pour en revenir au groupe Raboussa, parle-nous d’une anecdote que vous avez vécue

Il y a quelques années, nous avons fait un concert à Arivonimamo ou à Miarinarivo, je ne m’en rappelle pas. Cet événement s’est déroulé dans un « tranom-pokonolona » et la salle était pleine. Comme vous le savez sans doute, lors des spectacles, il arrive souvent que les artistes prennent une petite pause.

Je demande alors aux organisateurs, durant ce break, de nous indiquer les toilettes. Ils me répondent que la salle ne possède pas ce genre d’infrastructure et ils nous ont conseillé d’aller dehors et de passer à travers notre public pour sortir.

Ce qui n’était pas possible, d’abord nous ne pouvions pas traverser la foule puisque cela retarderait le spectacle. Ensuite, nous devions penser au membre féminin de notre groupe. Les organisateurs ont donc toqué à une épicerie pour nous acheter un pot de chambre (xD).

Quels sont les artistes avec lesquels tu voudrais travailler ? Lequel t’inspire le plus ?

J’ai toujours voulu travailler avec Donné, du groupe Sahondrafinina. Hélas, ce talentueux violoniste a rejoint l’autre monde. Ce qui fait que je dois encore réfléchir avec qui j’aimerais travailler. Je pense que jusqu’à maintenant 2pac est l’artiste qui m’inspire le plus.

Chez le Stileex post, nous avons un sondage sur le rythme de vie, parle-nous de ton quotidien

Hum… mon rythme de vie ? Je me lève le matin à 6 heures, je prends ensuite mon petit déjeuner et vais sous la douche. Je me rend ensuite au travail ou en répétition. Actuellement, je ne peux plus rentrer pour le déjeuner. Je mange donc là où je peux et rentre aux environs de 18 heures 30. Je finis ma soirée en famille.

Avant je faisais de l’exercice quotidiennement, mais depuis peu, je n’en fais que le week-end. Il arrive bien sûr que je n’en fasse pas les jours de spectacle.

Parle-nous de la chanson « misy vidin’ny tomany »

Cette chanson m’a été inspirée par un couple d’Antsirabe. Je voulais dire à travers elle que peu importe quel homme tu es, que tu sois riche, fort et beau, tu te dois de respecter ta compagne.

Les femmes méritent qu’on leur témoigne du respect. Nous devons être dignes de leur amour. C’est le sentiment qui porte le plus loin.

Raboussa, on ne te retrouve pas souvent dans les spectacles du Rap Gasy unity, pourquoi ?

Je participe à ces événements. Il arrive pourtant que je sois pris par d’autres engagements, autant artistiques que professionnels. Cependant, je soutiens mes frères dans tout ce qu’ils font. J’ai par ailleurs participé au vingtième anniversaire de Bogota.

Raboussa faisait parti du clan de rappeur Bogota

J’aimerais aussi profiter de cette occasion pour inciter les rappeurs à instaurer un prix d’entrée pour ces festivités. Vous savez, cela permettrait de mettre plus de valeurs dans la musique que l’on fait.

Raboussa, quelques mots pour inciter les jeunes à promouvoir la culture malgache

J’aimerais d’abord inciter mes amis artistes à toujours donner le meilleur d’eux-mêmes dans leurs créations, à être des exemples pour la société et des modèles pour les jeunes. Nous avons pour rôle de contribuer à l’éducation citoyenne. Et donc, nous devons faire de la musique qui développe et incite à faire le bien. Nous devons faire de la musique « voaKOLO » et qui vient du « SAINA » pour faire en sorte que le « KOLONTSAINA » malgache soit mis en exergue.

Pour les fans comme moi (puisque j’écoute aussi de la musique, plus même que j’en fais), je vous invite à écouter les messages et à faire en sorte de respecter le travail des artistes.

Et justement puisque tu écoutes de la musique, comment trouves-tu les chansons de Fy Rasolofoniaina and his band qui sont, comme toi, très engagés dans leurs textes ?

Je m’excuse auprès de Fy Rasolofoniaina et son groupe. Je n’ai malheureusement pas encore eu l’occasion d’écouter leur musique même si je connais ce groupe. Cependant, je ne manquerais pas de le faire ;-).

Le Stileex post remercie Raboussa pour avoir accepté de répondre à nos questions. Ce fut un moment agréable accompagné de rires. Nous pouvons dire que malgré ses nombreux engagements en cette période de fête de l’indépendance, le rappeur n’a pas hésité à nous répondre.

On ne lui souhaite que le meilleur, pour le rap malgache, pour la culture malgache et pour le rayonnement de Madagascar à l’international.

Découvrez aussi Vy Mamay, une rappeuse malgache

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Table des matièrs

Sommaire