Lettre De Motivation Pour Un Voyage Scolaire
Ah, la fameuse lettre! Celle qui sépare ceux qui iront humer l'air frais de Rome des malheureux condamnés à contempler les murs de la cour d'école. Un document officiel, certes, mais aussi une véritable pièce de théâtre, un one-man-show où l'on se transforme, pour quelques paragraphes, en la personne idéale, celle qui fera rayonner la France à l'étranger (même si, en réalité, on prévoit surtout de goûter toutes les glaces possibles).
Le syndrome de la page blanche, version Erasmus en culottes courtes
Au début, c'est le vide. Le néant. La feuille blanche plus immaculée que la conscience de ma grand-mère. Comment diable transformer une envie viscérale de pizza à Naples en argumentaire bétonné, capable de convaincre Madame Dubois, la prof d'histoire-géo, que ce voyage est vital pour mon développement personnel et intellectuel ?
On commence souvent par des banalités : "Je suis très intéressé par ce voyage scolaire..." (Non, vraiment ? Tu préférerais rester à réviser les dates de la Guerre de Cent Ans ?). Puis, on enchaîne avec des phrases pomponnées, dignes d'un discours d'investiture : "Cette opportunité représente une chance unique de..." (Là, on peut mettre à peu près n'importe quoi, du décryptage des hiéroglyphes à la compréhension des enjeux géopolitiques du tricot). Le tout saupoudré d'un vocabulaire soigné, emprunté au dictionnaire des synonymes, histoire de montrer que l'on est capable de placer "conjoncturel" et "paradigmatique" dans la même phrase (même si on n'est pas tout à fait sûr de ce que ça veut dire).
L'art subtil de la flatterie (sans paraître trop fayot)
C'est là que les choses sérieuses commencent. Il faut caresser l'ego de Madame Dubois dans le sens du poil, sans pour autant se transformer en carpette. Un dosage délicat. On peut, par exemple, encenser son cours passionnant sur l'Empire Romain ("Vos explications éclairées ont fait naître en moi une soif insatiable de connaissances..."), tout en soulignant sa propre motivation et son autonomie ("...que je compte bien assouvir en visitant le Forum et le Colisée"). C'est un peu comme dire : "Votre cours est génial, mais je suis encore plus génial car il a réveillé mon génie intérieur". Subtil, non ?
On glisse ensuite, discrètement, quelques arguments "utiles" : "Ce voyage me permettra d'améliorer mon niveau en italien" (alors qu'en réalité, on connaît seulement "pizza", "pasta" et "gelato"). On mentionne également, avec une mine contrite, son engagement citoyen : "Je suis particulièrement sensible aux enjeux environnementaux et je serai ravi de participer au tri des déchets sur place" (en espérant secrètement qu'il n'y aura pas de poubelle jaune en Italie).
Et puis, il y a la touche personnelle, l'anecdote qui fait mouche, le petit détail qui prouve que l'on est un être humain (presque) comme les autres. On peut évoquer, par exemple, sa passion dévorante pour le gelato pistache, ou sa collection de cartes postales de la Tour de Pise (même si on ne possède en réalité qu'une photo floue prise avec un téléphone portable). L'objectif est de se démarquer, de sortir du lot des lettres impersonnelles et convenues.
La conclusion : l'appel à l'indulgence et à la clémence divine
La fin de la lettre est un moment crucial. C'est l'heure de l'ultime supplication, du plaidoyer final. On réaffirme sa motivation, on promet de se comporter comme un ange pendant tout le voyage (en croisant les doigts derrière le dos), et on implore Madame Dubois de bien vouloir prendre en considération sa candidature. Un petit "Je vous remercie par avance de votre attention" et une formule de politesse bien sentie ("Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes salutations distinguées") viennent parachever l'œuvre.
On relit alors sa lettre une dernière fois, avec un mélange d'espoir et d'appréhension. On y découvre quelques fautes d'orthographe honteuses (le correcteur automatique n'est pas toujours notre ami), des tournures de phrases alambiquées et des arguments un peu tirés par les cheveux. Mais on se dit que, dans l'ensemble, ça tient la route. On signe, on date, et on remet sa lettre à Madame Dubois, en retenant son souffle. Le sort en est jeté.
L'attente est longue, interminable. On scrute le visage de Madame Dubois à chaque cours, à la recherche d'un indice, d'un signe. On décrypte ses sourires, on interprète ses silences. On se persuade qu'elle a lu notre lettre avec émotion, qu'elle a été touchée par notre sincérité et notre enthousiasme. On imagine déjà les ruelles pavées de Rome, le soleil de Toscane, la pizza napolitaine... Et on se prépare mentalement à écrire une nouvelle lettre, au cas où... car après tout, la persévérance est une qualité très appréciée par les professeurs d'histoire-géo.
En fin de compte, la lettre de motivation pour un voyage scolaire, c'est un peu comme une lettre d'amour. On y met tout son cœur, toute son âme, tout son talent (ou ce qu'il en reste après une semaine de révisions intensives). On espère secrètement que l'objet de notre désir (en l'occurrence, le voyage) sera sensible à nos charmes et qu'il nous ouvrira ses portes. Et même si l'on essuie un refus, on peut toujours se consoler en se disant que l'on a au moins appris à maîtriser l'art subtil de la rhétorique et de la persuasion. Ce qui peut toujours servir, plus tard, pour négocier une augmentation de son argent de poche ou convaincre ses parents de nous laisser sortir jusqu'à minuit.
Alors, à vos plumes ! Et que le voyage scolaire soit avec vous (et surtout, avec votre lettre !).
