07/03/2018. Depuis quelque années, les entrepreneurs Malagasy participent assidûment à des concours start-up à Madagascar ou à l’international. Chaque année, il y en a de plus en plus. Si c’est la première fois que vous allez participer à l’un d’entre eux, ne manquez surtout pas le témoignage qui va suivre, celui d’Andriatina Ratovondrahona, l’un des lauréats du concours Total Challenge Startupper organisé en 2016.
Merci beaucoup de nous avoir accordé cette interview. Avant toute chose, parle-nous d’Ampalia.
Ampalia est une entreprise spécialisée dans la transformation et la valorisation fruitière. Elle vise de manière artisanale à lancer de nouveaux produits sur le marché local et international par la transformation des fruits en des produits originaux, mais surtout non périssables : « les vins de fruits ». Nous avons actuellement sept variétés de produits commercialisés dans six grandes villes de Madagascar.
Avant le concours, Ampalia existait-elle déjà ?
Nous avons commencé nos activités en 2014. Mais à cette époque, c’était plus une phase de recherches et de développements (R&D) des produits actuels. Cela a duré jusqu’en 2015.
Après avoir obtenu des produits satisfaisants et fixé les paramètres de production, nous avons commencé l’étude de marché, le ciblage, l’établissement du business model tout en continuant les R&D sur les produits. Nous avons formalisé la création de l’entreprise pendant le concours, c’était en Janvier 2016.
Comment as-tu établi ton modèle économique ? Est-ce que dès le début, tu as su exactement quoi faire pour rentabiliser ton idée à Madagascar ? Mais peut-être que tu n’as pas visé un marché local. Comment as-tu défini ta cible ?
Nous avons défini notre modèle économique en nous basant sur une étude de marché et la clientèle selon nos produits. Nos produits étant des produits de niche dans ce temps, nous avons opté pour une clientèle aisée à forte revenue (CSP+). Nous avons donc choisi de distribuer nos produits dans les cafés, hôtels et restaurants (CHR), les supermarchés et grandes surfaces ainsi que les boutiques d’artisanat locales.
Il est primordial de fixer dès le tout début, voire même avant la création ou la formalisation de l’entreprise, son business model en fonction du produit ou service proposé et du cible choisi. Pour cela une étude de marché est nécessaire afin de bien positionner les produits en fonction du marché et de la situation économique réelle. Évidemment, le modèle économique choisi peut évoluer au fur et à mesure que l’entreprise avance dans son milieu.
Pourquoi avoir opté pour un modèle start-up pour ton entreprise ?
Quand nous avons commencé nos R&D pour concevoir nos produits, nous n’avions que très peu de ressources, mais nous avons persévéré tout en cherchant des financements auprès de : business-angels, organisation, banques…
Je pense que le choix s’est fait de lui-même, puisque nous proposons des produits totalement innovants répondant à des besoins assez spécifiques d’une clientèle qui recherche de nouveaux produits. Bien que le marché des vins soit déjà très concurrentiel, nous avons réussi à le percer et à imposer notre marque. Le modèle start-up est un moyen facile de commencer et de faire croître rapidement une entreprise. Bien sûr, cela dépend de l’entrepreneur.
Quand tu t’es lancé dans ce concours, tu étais dans quel état d’esprit ? Que faut-il avoir comme mentalité, mais également comme idée pour pouvoir remporter une victoire ?
Pour le concours, j’avais un enthousiasme fulgurant. J’avais cette rage au ventre et cette envie de gagner. Heureusement, je pouvais exprimer cela à travers les efforts et le travail fournis pour m’y préparer et constituer ma candidature.
Se lancer dans l’entrepreneuriat n’est pas une chose facile. Il faut avoir à la fois une idée originale, innovante, mais surtout réalisable selon le contexte économique du pays. Il faut aussi avoir un moral et des nerfs d’acier pour ne jamais abandonner, car c’est surtout au tout début que les problèmes sont les plus nombreux. Mais c’est aussi à ce moment-là que l’enthousiasme est au plus haut.
Ton financement t’a-t-il aidé selon tes espérances ?
Le financement nous a été d’une très grande aide. Il nous a permis d’accroître notre capacité de production, d’acquérir de nouveaux matériels, d’augmenter nos effectifs et bien plus encore.
Qu’as-tu gagné d’autre en y participant ?
Nous avons pu facilement introduire nos produits dans les marchés cibles grâce à la subite notoriété que nous avons obtenue. Ce genre de concours vous ouvre des portes et des opportunités et vous permet d’enrichir considérablement votre cercle de relations, ce qui est pour moi le plus important. Ce fut pour nous une opportunité et un énorme tremplin pour nos débuts.
Il semblerait que les concours start-up à Madagascar, c’est surtout du business. Des participants n’hésitent pas à participer, dans l’espoir de décrocher le premier prix. Ressens-tu cela également ?
Je n’ai pas encore eu vent de ces infos. Certes, cela est possible vu la situation économique actuelle. Certaines personnes pourraient profiter de ce genre de concours juste pour se faire de l’argent et puis disparaître.
Je côtoie régulièrement des jeunes qui veulent lancer leurs entreprises et qui me demandent souvent des conseils surtout pour la recherche de financement. J’ai eu la chance de remporter un prix et je pense que ce genre de concours devrait continuer, voire même se multiplier. Il faut juste que les organisateurs soient plus stricts sur le suivi et l’accompagnement des start-up qui seront financées.
Est-ce que dans ton cas, il y a eu un suivi après l’annonce des gagnants ?
Bien sûr ! Avant de pouvoir toucher le financement de la part de Total, nous avons eu des formations, des accompagnements et des séances de mentoring durant une année. Nous devions rendre des rapports régulièrement sur l’avancement du projet.
Que penses-tu du monde des start-up à Madagascar ? Est-ce que c’est un modèle intéressant pour notre pays ?
OUI, tout à fait. Notre pays a plus besoin actuellement de créateurs que de chercheurs d’emploi. Il est primordial de changer cette mentalité (surtout chez les jeunes) de se baser sur les grandes compagnies pour travailler et gagner de l’argent. Madagascar a encore un énorme potentiel qui n’attend qu’à être exploité et cela pratiquement dans tous les domaines.
Nous devons prendre conscience de nos richesses et de savoir les valoriser. Grâce à toutes ces actions entrepreneuriales depuis quelque temps, je pense que Madagascar pourra remonter la pente et améliorer petit à petit son économie. Bien sûr, pour cela il faut un environnement politique stable.
Encourages-tu les autres entrepreneurs à participer à des concours start-up à Madagascar?
OUI. j’encourage les entrepreneurs à participer à des concours start-up à Madagascar car c’est un moyen de booster rapidement la création ou la croissance d’un projet. Il permet aux participants d’améliorer leurs notoriétés, de trouver des investisseurs, d’autres financements aussi… C’est également un bon moyen d’apprentissages et de découvertes. Les concours permettent aussi de juger le projet et de remettre en question les points pouvant encore être améliorés.
« Se faire piquer son idée »… il semblerait aussi que ce soit l’une des raisons qui freinent les entrepreneurs à y participer. As-tu déjà entendu parler de cela ?
Ce genre de pratique existe et je connais personnellement des personnes qui se sont « fait voler » leurs projets en faisant confiance à des personnes mal-intentionnées. Voilà pourquoi je conseille aux jeunes de bien se renseigner avant de constituer leurs dossiers (organisateur, condition, signature de clause de confidentialité…). Mais cela ne doit pas être un obstacle, il faut toujours avancer, se donner une chance et ne pas manquer les opportunités qui se présentent.
En ce qui concerne Ampalia, es-tu prêt à te lancer dans un autre concours du même genre ou à faire une campagne de levée de fonds ? Tout de même, participer à cela doit être éprouvant et demander une certaine forme d’organisation.
Pourquoi pas! Après le concours Total, nous recherchons encore des investisseurs ou des collaborateurs qui pourraient booster encore plus notre entreprise. Mais ce n’est pas la priorité pour nous à l’heure actuelle. Une fois la période d’incubation finit, il faut aussi que l’entreprise soit indépendante et génère des revenus suffisants sans toujours attendre l’aide et des financements extérieurs.
Et effectivement, participer à ce genre de concours est assez éprouvant, mais rien ne nous empêche de renouveler cette expérience.